(TW) Lana ~ I'm coming home ~

Rentrer au petit matin chez toi comme à chaque fois que tu passes la nuit chez Meili, savourer ton café et ta clope avant de trainer sur le canapé du salon à composer avant de t'endormir comme une merde au bout d'un moment à trop réfléchir, instrument à cordes délicatement installé sur ton flanc. Sempiternel recommencement chaque jour. Sauf que cette fois, le bruit de la sonnette te tire de ce sommeil léger dans un bond. Grognement en te redressant et tu viens coincer un bâton de cancer entre tes lèvres pour l'allumer en même temps que tu te diriges vers la porte pour ouvrir. Et ce que tu vois derrière, c'est ce fantôme. Tu secoues la tête en fermant les yeux assez fort avant de les rouvrir. Fantôme encore présent devant toi. « C'est quoi ce délire.. » que tu murmures à toi-même. Faites qu'elle parle, que tu sois pas en train de faire un mauvais rêve ou une connerie du genre.

C'est pas une putain d'hallucination. C'est sa voix, c'est le surnom qu'elle te donne, c'est elle. Et tu sais pas quelle réaction avoir. Lui sauter dessus parce que tu l'as crue morte, ou lui foutre une raclée parce que tu l'as crue morte. Tu restes plantée là, sous le choc, tu assimiles l'information tant bien que mal. Les mâchoires commencent à se serrer, tes sourcils se froncent quand elle te dit qu'elle est rentrée. Les souvenirs perdus se bousculent en masse dans ton esprit, comme des flashs. L'appel au coeur de la nuit qui t'annonçait sa mort, l'explosion de rage sur un parking désert, le cri de désespoir de votre mère, la peine dans le regard de Jared et tout ce qui a découlé derrière. Ton froid qui traduit l'incompréhension et la haine qui t'incarne. « On t'a dit morte. On t'a enterrée. Tout s'est pété la gueule, et tout ce que t'as à me dire, c'est ça ? » Tu la fais rentrer, parce que t'as pas envie d'exploser dans le couloir. Tu fermes la porte après elle, et tu lâches tout. « C'est quoi ton putain de problème ? Un putain de message c'est trop dur à envoyer ? Tu sais ce que cette putain d'annonce a provoqué dans nos vies ? Tu sais tout ce que t'as raté ? On a vu un putain de cercueil à ton nom entrer sous terre, ça a détruit notre mère bordel ! Ça m'a presque tuée, putain ! Ça a annihilé ma relation avec Hayley qui partait déjà en couilles à cause de notre paternel. Et toi, tu reviens comme une putain de fleur ? » Tu cries, tu la bouscules à chaque exemple cité. Elle est loin la douce Maze dont elle avait sans doute le souvenir.

Des larmes et des cendres. Des excuses qui n'éteignent pas le brasier ardent de la rage qui anime ton corps frêle. Bien sûr qu'elle pouvait pas savoir le mal que ça avait fait dans ce qui restait de votre famille, comment pouvait-elle le savoir en faisant la morte ? Comment pouvait-elle imaginer tout ce qui a pu se passer depuis son départ pour ce continent qui vous a séparées ? Que t'as eu affaire avec la mort une fois de plus, que tu l'as donnée une fois de plus, que t'as failli lui taper la bise toi aussi ? Que maintenant t'as des cicatrices sur le corps, plus voyantes que celles de ton âme ? Tu fais les cents pas dans l'appartement vide de tes colocataires et de ton frère et tu tentes de garder le contrôle de ta colère pour ne rien casser. Mégot trop rapidement consumé que tu viens écraser dans le cendrier. « C'est sûr, t'es la seule à qui cette ville a fait du mal, j'avais pas compris. C'est pas comme si j'avais essayé de maintenir tout le monde à bout de bras avec Aaron alors que j'étais moi-même dans le mal. C'est pas comme si ce connard de mec qui nous a élevés avait été le point d'ancrage de cette descente en enfer. C'est pas comme si j'avais sauvé le cul de Jared alors qu'il avait un flingue sur la tempe et que je m'étais pris une balle pour qu'il s'en sorte. C'est pas comme si j'avais appris que notre mère allait emménager à Boston avec une nana plus jeune que moi. C'est pas comme si j'étais spectatrice du crash de ma relation pendant des mois sans pouvoir faire quoi que ce soit pour que ça s'arrange. C'est pas comme si j'avais perdu six mois des souvenirs de ma vie après un accident et que les premières personnes que j'ai demandées à Aaron et Jared, c'était elle et toi et que j'avais dû refaire face à ces deux putains de deuils. » Alors les excuses, t'es pas capable de les entendre. Le pardon, t'es pas encore prête à le donner. « C'est quoi ton excuse pour nous avoir plantés comme des merdes insignifiantes ? » Tu la regardes froidement, comme si tu étais incapable de ressentir autre chose que ta rage qui grandissait. Parce que c'était l'émotion la plus forte. Incapable de pleurer, incapable de ressentir la joie, incapable de la prendre dans tes bras pour lui dire qu'elle t'avait manqué.

Elle avait eu de la chance ces derniers mois, Clary. A vivre dans l'ignorance d'une réalité sombre qui marquait les esprits de chacun de ses adelphes. Une réalité abjecte qui t'avait entraînée dans les abysses une fois de plus. Ce retour compliqué dans le monde des excès en tous genres, dans une violence sans précédent. Combien de fois t'es rentrée chez toi ensanglantée après des combats illégaux ? Combien de fois t'as maquillé ton visage pour dissimuler les marques de coups pour n'inquiéter personne ? Combien de fois tu as rendu visite à Hayley dans cet état, corps famélique, démarche de cadavre dans les rues de Boston. Petite poupée de sang qui restait debout parce qu'elle avait encore des gens pour qui se battre, pour qui survivre. Poupée de cendres qui s'est vautrée lamentablement contre un arbre dans un moment d'égarement. « C'est pas la ville le problème. C'est nous, le problème. C'était notre père. Ce sont nos choix de vie. Mais toi, t'as toujours tout bien fait alors t'as pas été inquiétée. Jared et moi, on a pas suivi ton exemple de ce côté là. Aaron est sans doute celui qui a enduré le plus sans le dire. Alors où qu'on soit, c'est pas la ville le problème. Ca restera nous. » Tu tiens à ce qu'elle n'oublie pas que tes problèmes ont commencés à Vancouver. Qu'ici ou ailleurs, ça serait pareil. Vous avez tous un éclat de lumière à offrir au monde, mais comment le laisser briller dans les ténèbres ? Puis les confessions de Clary se font. Elle a au moins conscience qu'elle a été lâche et égoïste, t'auras pas besoin de lui rappeler. « C'est bien de reconnaître ce que t'as été. Ca m'fait des économies de salive. Bravo, t'as rencontré notre cousine d'Egypte. Et faut croire qu'elle aussi, ça lui est pas venu à l'esprit de me dire qu'elle t'avait croisée en vie. Elle a su baiser mes ex mais pas m'envoyer un message. Tant mieux pour toi, j'espère qu'il est mieux que celui qui t'a élevée. » Aucune émotion de joie pour elle. De la colère, du mépris, mais pas de joie. Ni de tristesse. « Personne n'est parfait, et j't'ai jamais demandé de l'être. T'as eu j'sais pas combien d'occasion d'envoyer un message, une lettre ou.. j'sais pas moi, un pigeon voyageur si tu voulais. T'as rien fait pour nous dire que t'allais bien et tu reviens du jour au lendemain. Alors ouais, t'attends pas à des effusions de joie. Pas pour l'instant. Et si c'est trop dur à supporter pour toi, alors tu connais la porte, t'as réussi à la trouver et quand j'serai plus apte à discuter avec toi sans t'en foutre plein la tronche, tu pourras l'ouvrir à nouveau. Sinon, tu peux toujours subir. » Lui offrir tout de même une porte de sortie pour son bien-être, parce que malgré cette façade dure et insensible, ça te fait du bien de la voir, mais tu penses toujours que ton esprit te joue des tours.

Elle croit encore que tout peut changer après tout ce qui s'est passé. Elle croit encore que tu peux retrouver totalement la lumière après tout ce que t'as vécu. Sans doute que l'espoir qu'elle place en toi est bien plus fort que ce que tu imagines pour ta propre destinée. « J'ai tué des gens, Clary. J'ai tué des gens et j'suis dehors, même pas inquiétée une seule seconde par les autorités. Alors j'en demande pas trop. J'vis ma vie avec ses moments de noirceur parce qu'au fond, p'tetre que j'suis bien dans cet univers là. Peut-être que c'est tout c'que j'peux mériter. » Ta réalité te rattrape toujours. Même après cette amnésie partielle, tu sais ce que tu as fait, parce qu'on te l'a rappelé avant même que tu t'en souviennes toi-même. Et t'es pas à la recherche de l'absolution. Ce que tu as fait, tu l'assumes, parce que tu l'as fait pour les personnes que tu aimais. « La lumière, ça fait bien longtemps que j'la vois qu'au travers des autres et que j'profite des quelques reflets qui débordent sur moi. » Et ça te suffit. Parce qu'à attendre trop de lumière, tu seras déçue quand le chaos reviendra frapper à la porte de ton existence. Tu hausses les épaules. Après tout, ce qui a été fait est immuable, rien ne pourra changer les faits. « J'faisais un constat. » Un constat de cette rage qui ne s'est pas effacée au sujet de Nephtys et Hayley. Cette rage quant à ce silence trop long. Et là, contre toute attente, ta soeur ne se débine pas, elle veut t'affronter. Tu restes silencieuse, regard froid qui affronte celui de ton ainée et ta main vient empoigner le col de sa veste. Flash qui survient dans ta tête du dernier conflit, au sujet du père. Et la façade s'étiole. « Prouve moi que c'est vraiment toi et que c'est pas mon esprit qui déraille une fois d'plus. » Parce que c'est pas la première fois que t'as l'impression de l'avoir devant toi, que t'as cette sensation, les souvenirs olfactifs, la memoire de sa voix. T'as besoin de savoir que tout ça est vrai, que c'est pas une nouvelle hallucination et que tous les espoirs sont pas morts.